Sénégal

Solidarité et cohésion grâce aux calebasses

06.05.2022
Les chargé·e·s de programmes pays d’Action de Carême rendent régulièrement visite aux projets qu’ils et elles encadrent. Si, d’un côté, il est question de prendre des nouvelles sur l’avancement des projets, l’objectif principal est de s’assurer que les personnes bénéficiaires améliorent concrètement leur situation. Lors de son dernier voyage au Sénégal et à l’occasion d’une rencontre avec des groupes de solidarité, Vreni Jean-Richard a vécu une expérience unique dans un village de Casamance.

Un rapport de Vreni Jean-Richard, responsable du programme Sénégal

Une trentaine de femmes et une quinzaine d’hommes nous attendaient au village. J’étais étonnée par la forte représentation des hommes, dont faisaient partie le doyen ainsi que le chef du village, deux enseignants, l’imam et différents membres de la calebasse. Il y avait également des enfants plus âgés, alors qu’ils auraient dû être à l’école à ce moment-là. Lors des présentations, il s’est avéré que le chef du village et l’un des deux enseignants étaient eux-mêmes membres de la calebasse. Les enseignants avaient délibérément emmené leurs élèves à cette rencontre afin de leur apprendre quelque chose sur le village et son développement. Je n’avais encore jamais vécu une telle expérience lors d’un voyage sur le terrain. Les responsables du projet et de la coordination étaient à leur tour très impressionnés. Cette rencontre villageoise en Casamance, à laquelle tout le village s’était donné rendez-vous, était d’autant plus surprenante qu’à l’échelle nationale plus de 90 % des membres des groupes de calebasses* sont des femmes. « Ce n’est pas un groupe de calebasse à l’intérieur du village… Tout le village est réuni dans une calebasse ! », me suis-je dit en voyant tout ce monde. Même des membres du village voisin avaient fait le déplacement. Les deux villages s’étaient réunis en ce que l’on appelle un « réseau de proximité ».

Plus de sécurité grâce aux calebasses

Il y a quelques années encore, Susanne Madjia devait abandonner sa famille pendant la saison sèche pour gagner sa vie dans une production de poisson au Cap-Skirring, situé à l’extrémité sud-ouest du Sénégal. Aujourd’hui, grâce aux activités économiques des réseaux de calebasses, elle peut rester au village toute l’année et subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa famille. Elle est désormais vice-présidente du réseau qui réunit toutes les calebasses de la région. Il s’agit de la première organisation partenaire au Sénégal à avoir transformé un réseau en coopérative. Les membres peuvent contracter des crédits sans intérêt à partir des fonds qu’ils ont épargnés ensemble. Des réunions régulières leur permettent également d’acquérir de nouvelles compétences et d’accroître leur indépendance économique.

Plus de cohésion grâce aux réseaux de proximité

Lors de la visite, les villageoises et villageois nous ont montré la préparation du savon qu’ils fabriquent eux-mêmes. Comme les liquides avaient été préparés déjà la veille, il ne restait plus qu’à les mélanger. On m’a dit qu’il était important de ne mélanger que dans un sens. Le produit final a été versé dans 35 petits pots que l’on a ensuite stockés pour une durée d’au moins dix jours. La production du savon a été très rapide, car nous ne voulions pas attirer l’attention de la police. En effet, en raison des attaques récurrentes des séparatistes en Casamance, les autorités se rendent rapidement sur place lors de la formation de rassemblements importants. En période de troubles, lorsque la méfiance mutuelle est grande, les gens sont plus facilement soupçonnés de soutenir les rebelles. Dans ce contexte difficile, le réseau de proximité mis en place par l’organisation partenaire a permis aux villages de se rapprocher et de nouer des liens amicaux. Les calebasses et les réseaux ont ainsi apporté une contribution importante à la cohésion. Selon l’un des aînés, les relations entre les villages qui, ces dernières années, menaçaient de disparaître, sont aujourd’hui meilleures que jamais.

À la fin de la visite, les femmes ont calculé le prix de vente du savon, qui dépend toujours des ingrédients utilisés. Actuellement, le beurre de karité est très cher. Pour terminer, les recettes de la calebasse ont été partagées : 75% ont été comptabilisés pour le réseau de proximité et 25% ont été remis, comme le veut la tradition, au groupe de calebasse hôte.

Les groupes de solidarité au Sénégal s’appellent des calebasses, qui doivent leur nom au récipient dans lequel les membres du groupe collectent les contributions financières volontaires pendant leurs réunions : la moitié d’une calebasse séchée.

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