En matière de CO2, la Suisse vit aujourd’hui à crédit
Un commentaire de Stefan Salzmann, responsable Climat et politique énergétique chez Action de Carême
Laissez-moi vous expliquer la situation à l’aide d’un exemple fictif. Imaginez qu’en 1990, vous prenez votre retraite, à 65 ans et disposez de CHF 1,8 millions sur votre compte bancaire. Vous avez tout calculé : si vous vivez encore 30 ans, cela vous fait CHF 60 000 par an, soit environ CHF 5 000 par mois. Avec une telle somme, une personne peut vivre tout à fait convenablement en Suisse.
La Suisse vit à crédit
Le problème, c’est qu’en 1990, avec le mode de vie que vous avez, vous consommez CHF 10 000 par mois. Cet exemple illustre bien la situation : 15 ans à peine après votre départ à la retraite, vous aurez déjà dépensé tout votre argent. D’autres personnes devront alors prendre en charge vos dépenses. Vos enfants, par exemple. C’est exactement ce qui se passe en ce moment avec notre budget CO2. Non seulement nous avons épuisé notre budget et vivons désormais à crédit, mais nous continuons à vivre, comme avant, sur un grand pied. La question du crédit reste sans réponse, elle n’est même pas posée.
Nous revendiquons la justice climatique !
Action de Carême et l’EPER se sont donc posé la question de l’avoir. L’objectif était de déterminer la quantité de CO2 que la Suisse peut encore émettre si elle veut se comporter de manière climatiquement correcte. La conclusion est glaçante : à la mi-mars 2022, la Suisse aura émis la dernière tonne de CO2 d’un point de vue climatique. Autrement dit, à partir d’aujourd’hui, nous vivons à crédit, notre compte est vide, d’autres doivent payer pour nous. Les générations futures, mais aussi les habitant·e·s du Sud de la planète, qui souffrent déjà fortement des conséquences de la crise climatique. Si la Suisse veut continuer à contribuer à la justice climatique mondiale, elle doit agir. Outre des objectifs climatiques forts et zéro émission nette d’ici 2040 au plus tard, d’autres mesures sont indispensables, afin de dédommager le reste du monde pour notre comportement climatiquement injuste.