Une calebasse est un récipient traditionnel joliment décoré, fabriqué à partir de l’écorce séchée du fruit qui porte son nom. Lorsque les groupes de solidarité sénégalais se réunissent, une fois par semaine, la demi-coque se trouve au centre ; c’est pourquoi on l’appelle aussi « calebasse de solidarité ». Les femmes se rassemblent en cercle autour du récipient, sur lequel est posé un tissu. Chacune à son tour, dans la mesure de ses moyens, y dépose discrètement des pièces ou des billets. Personne ne voit ce que les autres ont donné. Celle qui n’a rien peut aussi y jeter un petit caillou pour que ça tinte comme de l’argent.
À l’origine, ces groupes avaient pour but principal l’épargne collective. Cependant, aujourd’hui, ils ne se contentent plus de mettre de l’argent de côté en cas de coup dur ; les membres investissent aussi ensemble et organisent des achats collectifs. En plus d’éviter l’endettement, l’entraide au sein des groupes permet également d’améliorer la sécurité alimentaire et le taux de scolarisation des enfants.
Les membres d’un groupe de solidarité sénégalais se réunissent autour d’une calebasse.
Bien-être et stabilité favorisent la paix
Aujourd’hui, il existe plus de 2200 calebasses de solidarité dans tout le pays, rassemblant plus de 73 000 membres, dont une grande majorité de femmes. Environ 730 000 personnes, soit près de 4 % de la population, bénéficient des effets positifs des groupes de solidarité, dont bon nombre sont parmi les personnes les plus précarisées. Parmi ces effets, on observe non seulement une réduction des inégalités et un renforcement des communautés et de leur pouvoir économique, mais aussi la promotion de la paix. C’est ce qu’ont révélé deux études menées au Sénégal en 2023, cofinancées par la Direction du développement et de la coopération de la Confédération (DDC).
« Les calebasses ont un effet pacificateur sur l’ensemble de la communauté. Elles renforcent des valeurs telles que la cohésion, la solidarité et l’entraide tout en couvrant les besoins de base », souligne l’étude de la Fondation suisse pour la paix Swisspeace, basée à Bâle. La participation à un groupe de solidarité enrichit pratiquement tous les aspects de la vie. Elle améliore notamment « le bien-être personnel, le confort matériel et la réduction du stress psychologique », contribuant ainsi à une meilleure stabilité sociale et à une paix accrue au sein des familles et des communautés.
Pour résoudre les conflits, les membres des groupes de solidarité collaborent avec les autorités traditionnelles et religieuses.
Les femmes, « artisanes de la paix sociale »
Une deuxième étude, rédigée par une socio-économiste sénégalaise à la demande d’AgriBio, une organisation partenaire d’Action de Carême, parvient à la même conclusion : les calebasses de solidarité renforcent particulièrement les relations interpersonnelles au sein des familles et des communautés. De plus, les membres collaborent avec les autorités traditionnelles et religieuses pour résoudre les conflits. L’auteure qualifie les femmes de « véritables artisanes de la paix sociale », et les calebasses de « levier puissant qu’il faut renforcer, préserver et activer en temps de crise ».
Cependant, les effets pacificateurs des groupes de solidarité ont aussi leurs limites, comme le note Swisspeace : « Les questions de politique étatique ou de sécurité nationale restent hors de leur portée ». Mais dans une région régulièrement touchée par des conflits armés, des guerres civiles ou le terrorisme, toute initiative qui renforce les communautés et promeut la paix est précieuse.