Avocate dans la ville minière de Kolwezi, Sœur Nathalie Kangaji dirige le Centre d’aide juridico-judiciaire, un partenaire d’Action de Carême et HEKS. Elle a rédigé ce texte pour nous.
Aujourd’hui, le cobalt est le minerai le plus demandé au monde, à cause de son utilité dans la fabrication des batteries de nouvelles générations pour les smartphones et les voitures électriques. Et, de ce fait, les mines de cuivre et de cobalt et leurs activités sont devenues des maillons essentiels de l’économie.
La province du Lualaba en République Démocratique du Congo est un pôle minier de premier ordre, comme l’indique la présence de grandes mines de cuivre et de cobalt. Elle détient d’ailleurs près de la moitié des réserves mondiales de cobalt. Paradoxalement, l’immensité des richesses minières contraste avec l’extrême pauvreté des populations locales qui ne tirent pratiquement pas profit des activités minières. On pourrait alors se demander comment concrétiser les revenus issus de l’exploitation de ce cobalt en véritable développement pour cette province et particulièrement pour les communautés environnantes ?
C’est aussi dans la province de Lualaba que se situe Kolwezi, dans la zone au monde la plus riche en cobalt. Ce n’est pas un hasard si deux des filiales de Glencore, Mutanda Mining et Kamoto Copper Company, y sont implantées. Il s’avère que ces activités minières privilégient très souvent la logique économique au détriment des intérêts des populations. D’autre part, il faut noter que ces activités ne sont pas sans risque pour l’environnement et la santé des populations.
Activités minières dangereuses
En effet, les communautés locales directement impactées sont celles qui paient un lourd tribut et qui sont victimes des impacts négatifs dont les principaux concernent la pollution des eaux, de l’air et des sols, et leurs effets sur la santé publique. À cela s’ajoutent d’autres abus portant de graves atteintes aux droits humains. C’est le cas de l’accident d’un camion-citerne transportant de l’acide d’une des filiales de Glencore qui s’est renversé sur la route de Kolwezi près du village Kabwe au mois de février 2019, faisant 21 victimes mortelles et un nombre important des blessés graves.
Face à de tels dommages, la problématique des activités minières soulève la question importante de la responsabilité des multinationales. Le droit congolais en vigueur est clair et souligne que dans le cas d’espèce, l’exploitant minier est tenu de réparer les dommages causés par les travaux, mais la réalité est toute autre, car les multinationales se comportent en maîtres dans la pratique.
Aucune diligence n’est observée en cas de survenance d’un incident négatif. Lorsque les effets de la dégradation sont visibles, notamment quand l’eau a été contaminée par des déchets toxiques, des cultures ont été endommagées, des sols pollués ou contaminés, ou encore des vies humaines ont été touchées, les entreprises minières exigent des preuves scientifiques, puis minimisent ou nient carrément les faits avant de refuser toute réparation. La question devient encore plus compliquée lorsque les effets sont invisibles ou latents.
Les lois ne fonctionnent pas
L’obtention d’une réparation par un arrangement à l’amiable, tel que prévu par le code minier congolais, s’avère souvent difficile pour les victimes face à la résistance des multinationales. La seule voie possible qui reste pour faire pression est la voie juridictionnelle.
Nous n’avons pas encore un système judiciaire très fort. Le pays lutte encore pour une justice juste et indépendante. Notre justice souffre encore de plusieurs maux notamment son incapacité à protéger convenablement les citoyens faibles à cause de la corruption. D’où la problématique du droit à un procès équitable face aux multinationales.
C’est ici que je soutiens vraiment l’initiative pour les multinationales responsables et invite les Suisses et Suissesses de bonne volonté à voter pour celle-ci. Cette initiative donne aux victimes la chance de pouvoir déposer plainte en Suisse et obtenir ainsi réparation pour les dommages qu’elles ont subis.
Retenez que le pouvoir économique que détiennent les multinationales est un facteur important face à une justice défaillante. Il peut être un moyen utilisé pour instrumentaliser celle-ci. C’est ainsi que souvent notre justice se met au service des plus forts, des nantis.
Une chance pour la prévention et la justice
L’impact sur la santé publique est une grande préoccupation dans les zones d’extraction minière. C’est écœurant de constater que seuls les intérêts économiques comptent au détriment de la vie humaine. Aucune autorité ou aucune compagnie ne prend la responsabilité d’évaluer l’état réel de l’environnement et encore moins l’état sanitaire des populations directement impactées par les activités minières.
Les activités extractives ont un impact négatif sur la santé publique si des mesures responsables de prévention ne sont prises à temps. L’initiative pour des multinationales responsables serait un moyen de pression pour que Glencore veille sur ses filiales Mutanda Mining et Kamoto Copper Company par rapport à leur devoir de diligence en matière de droits humains et d’environnement. Dans cette perspective, l’initiative pour des multinationales responsables s’avère être une des mesures responsables de prévention en faveur des populations du Sud lésées par les activités minières.
L’initiative pour des multinationales responsables va permettre l’éclosion d’une justice efficace et égale à toutes et à tous, étant donné que la Suisse est parmi les pays très avancés sur les questions des droits humains et étant le siège de leurs institutions. Toutes les parties pourraient être rassurées que le droit à un procès équitable est garanti pour chacune.
Les dessous du boom du Cobalt
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