Forum d'action 2024

La gestion du pouvoir : une affaire délicate

10.09.2024

Le deuxième forum d’action d’Action de Carême, qui s’est tenu le 6 septembre au Neubad de Lucerne, a été entièrement consacré à la question de la gestion du pouvoir. En plus de divers ateliers, plusieurs exposés et tables rondes ont été dédiés aux expériences de terrain partagées par nos coordinatrices et coordinateurs du Sud global, invités en Suisse cette semaine.

Texte : Ralf Kaminski, rédacteur chez Action de Carême     Photos : Yusef Evans

Lors des conférences de l’ONU sur le climat, les nations du monde entier se réunissent afin d’obtenir de petits progrès au cours de négociations ardues. Bettina Dürr, responsable Justice climatique à Action de Carême, a illustré dans son atelier à quel point les déséquilibres de pouvoir jouent un rôle important dans ces discussions. Dans un jeu de rôle, elle a transformé les participant·e·s en délégations des États-Unis, de la Chine, de l’Arabie saoudite, du Vanuatu ou de la Suisse, et les a amené·e·s à négocier leur disposition à réduire leurs propres émissions de CO2 ou à augmenter leurs investissements dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Très vite, la déléguée du Vanuatu, une île du Pacifique menacée de disparaître, a sollicité des fonds auprès de la riche Suisse, tandis que la grande délégation américaine écartait rapidement les deux représentant·e·s de l’Arabie Saoudite pour entamer des négociations avec les puissants Chinois. Ce jeu de rôle s’est révélé non seulement très divertissant, mais aussi hautement instructif : les enjeux varient considérablement d’un pays à l’autre, et ceux qui ont le plus à perdre sont souvent les moins influents dans les négociations.

Donner une voix aux populations les plus défavorisées

Le pouvoir géopolitique est étroitement lié à la puissance économique d’un pays. « De plus, les femmes, les jeunes et les peuples autochtones sont souvent moins pris au sérieux », a expliqué Bettina Dürr. « C’est pourquoi, chez Action de Carême, nous essayons de leur assurer une place particulière lors de ces conférences. »

Pendant ce temps, dans l’atelier voisin, Ajoy Kumar a expliqué comment il procède exactement, en collaboration avec des organisations partenaires, pour aider les communautés marginalisées à prendre davantage conscience de leur propre valeur et à disposer d’une plus grande marge de manœuvre. Le coordinateur d’Action de Carême en Inde compte près de 40 ans d’expérience dans la coopération au développement et a vu de nombreux progrès réjouissants au cours de cette période. « Le pouvoir est aujourd’hui moins inégalement réparti qu’auparavant », constate-t-il.

Le fait que le gouvernement indien se soit fixé comme objectif d’atteindre les objectifs de développement de l’Agenda 2030 des Nations Unies a aidé. « Cela nous permet de coopérer avec les autorités et les institutions scientifiques, notamment pour la promotion de l’agroécologie ». En parallèle, des stratégies éprouvées telles que les groupes de solidarité et les formations permettent de renforcer l’éducation, l’égalité des genres et l’affirmation de l’identité culturelle au sein des communautés. « Aujourd’hui, il n’est plus rare de voir des femmes issues de groupes défavorisés négocier avec assurance avec les représentant·e·s des autorités », souligne Ajoy Kumar.

Dans l'atelier sur la justice climatique, les participant·e·s ont changé de perspective pour identifier les dynamiques de pouvoir.

Le pouvoir au service du prochain

L’événement s’est concentré sur la question de savoir comment on peut autonomiser les autres ou comment limiter et céder son propre pouvoir. Le théologien et éthicien social Thomas Wallimann a montré, dans son exposé d’introduction, comment la doctrine sociale catholique pourrait être utilisée comme un guide utile à cet effet. « Les structures de pouvoir sont inévitables. Toutefois, l’objectif doit être de ne pas utiliser le pouvoir de manière égoïste, mais de le mettre au service des autres, en particulier des personnes les plus défavorisées, et de trouver ensemble de bonnes solutions. »

Le pouvoir des images : du misérabilisme à l’autonomisation

Dans sa présentation, Tiziana Conti, responsable Médias, information et campaigning pour la Suisse romande, a illustré à travers de nombreux exemples combien la communication des organisations de développement a évolué au cours des dernières décennies. Autrefois, les collectes de dons se faisaient à partir d’images misérabilistes d’enfants affamés ou en larmes. « On jouait sur les émotions du public, sans se soucier du contexte, de la dignité de ces personnes, ou des causes de leur souffrance », a-t-elle souligné. Ce déséquilibre manifeste du pouvoir a beaucoup évolué. « Aujourd’hui, les ONG mettent l’accent sur l’égalité et la durabilité, et cela se reflète aussi dans les images : les personnes dépeintes sont confiantes et prennent leur destin en main. Les causes structurelles de la faim et de la pauvreté dans le Sud global sont exposées et questionnées. »

La présidente du Forum de fondation d’Action de Carême, Lucrezia Meier-Schatz, a également pris la parole en soulignant l’importance d’une coopération d’égal·e à égal·e. « Respect, dignité et confiance, tel est notre credo envers nos organisations partenaires et les populations du Sud global. » Elle a également appelé les invité·e·s du Forum d’action à s’engager contre les coupes budgétaires prévues par le Parlement dans le cadre de la coopération internationale. « Vous aussi, vous avez du pouvoir ! Utilisez-le, adressez-vous à vos représentant·e·s et contribuez à ce que ces coupes soient rejetées ».

Déclenchez l’alerte de solidarité contre les coupes dans la coopération au développement.

Dans son exposé, notre responsable Médias, information et campaigning pour la Suisse romande a montré l'évolution de la communication des ONG dans les dernières décennies.

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