Conférence mondiale sur le climat COP27

Un pas important vers plus de justice climatique, mais les énergies fossiles restent dans le jeu

21.11.2022

David Knecht, responsable Énergie et justice climatique chez Action de Carême, fait le bilan de la COP27. Une conférence qu’il a suivi sur place durant les deux dernières semaines.

Le monde s’est réuni à Sharm-El-Sheikh, en Egypte. Un choix incongru pour accueillir une conférence à laquelle ont pris part plus de 30 000 participant·e·s. Avec cette foule immense, le site de la conférence prenait des airs de bazar, si ce n’est que la négociation portait sur le plus important de tous les thèmes actuels : la limitation du réchauffement de la planète.

Sharm-El-Sheik, incarnation du tourisme de masse, est connue pour ses magnifiques récifs coralliens, aujourd’hui gravement menacés par les changements climatiques : les expert·e·s estiment que 99 % de ces récifs seront détruits si le réchauffement climatique atteint 2 degrés Celsius.[1]

Le réchauffement climatique ne ralentit pas – les plus pauvres en souffrent

Président·e·s et premier et premières ministres de toutes les nations se sont bousculé·e·s à la tribune. Dans chaque discours, l’urgence de limiter le réchauffement climatique a été soulignée. Des propos écoutés avec attention par plus de 600 lobbyistes venu·e·s défendre les énergies fossiles. Leur mission : veiller à ce que le texte final ne demande pas l’abandon des énergies fossiles. [2]  À leur avis, la crise énergétique que le monde traverse actuellement ne permet pas cette option, car il faudrait plus de temps et une meilleure planification. En un mot, le fossile est intouchable. Pourtant, le réchauffement climatique ne ralentit pas et rien n’arrête sa progression. Celles et ceux qui en souffrent le plus sont les personnes les plus démunies de notre planète, celles qui n’ont pas les moyens de faire face aux conséquences dramatiques du réchauffement.

Fonds pour la justice climatique
Lorsque s’adapter n’est plus possible et que les dommages sont irréparables, il faut alors prévoir des paiements compensatoires et créer un fonds spécifique pour ces paiements. Les pertes et les dommages dus aux changements climatiques doivent être compensés, c’est une obligation morale pour les responsables historiques de ces changements. De nombreux pays du Sud, des États insulaires et des milliers d’organes de la société civile, dont Action de Carême, se sont engagés en faveur d’un tel fonds. Ces dernières années, ce projet a été bloqué par le Nord. Mais après un long bras de fer, les États ont finalement réussi à se mettre d’accord sur la création de ce fonds de compensation. Un grand succès et un pas important vers la justice climatique !

Faire preuve de solidarité
Mais les paiements compensatoires ne sont qu’une partie de l’équation. Il est aussi essentiel  de bloquer le réchauffement climatique en le limitant, si possible, à 1,5 °C. Pour cela, nous devons réduire à l’échelle mondiale et de manière drastique les émissions de gaz à effet de serre. En octobre, L’ONU a fait savoir que les plans climatiques actuellement engagés dans le monde conduisent à un réchauffement de plus de 2,4 °C. Il faut faire mieux et mettre en place des programmes de réduction des émissions plus rapides et plus ambitieux. Lors de la COP27, les pays ont convenu et adopté un programme de travail pour la réduction des émissions – un nouveau pas dans la bonne direction. Ces mesures doivent être accompagnées d’une enveloppe financière suffisante pour que les pays les plus pauvres puissent également mettre en œuvre les programmes climatiques nécessaires. La solidarité et la reconnaissance de la responsabilité historique des pays du Nord sont essentielles à cet égard.

La Suisse doit prendre ses responsabilités
Mais les belles promesses ne sont pas toujours tenues. En 2009, les pays industrialisés ont promis 100 milliards de dollars par an, mais jusqu’ici seuls 83 ont été versés.[4] Selon le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, c’est bien trop peu, car à leurs yeux il ne faut pas 100 milliards de dollars mais 1 million de milliards de dollars ![5] Par ailleurs, la conférence sur le climat n’a pas apporté de réponses satisfaisantes à propos du manque de financement. Ce qui est particulièrement frustrant en cette année où les groupes pétroliers et énergétiques BP, ExxonMobil, Chevron, Shell et TotalEnergies ont enregistré ensemble 55 milliards de bénéfices au cours du seul deuxième trimestre. Ce déséquilibre doit impérativement être résolu. La Suisse, première place mondiale du négoce de matières premières, porte une responsabilité particulière à cet égard.

Action de carême s’engage pour la sécurité alimentaire
Si la communauté internationale ne réunit pas le financement promis, alors les objectifs climatiques de Paris ne seront pas atteints, ce qui aura des conséquences catastrophiques, en particulier pour les personnes les plus démunies. L’augmentation en intensité et en fréquence des sécheresses et des inondations a en effet un impact direct sur la sécurité alimentaire de millions de personnes. C’est pourquoi Action de Carême s’est engagée avec la CIDSE à ancrer l’agroécologie comme une réponse aux problèmes agricoles. Cette revendication a eu du mal à passer lors de la COP27 et sa mention a été supprimée, sous pression de l’agriculture industrielle.

En résumé, on peut dire que des pas importants ont été faits dans la bonne direction lors de cette COP27, notamment avec le fonds de compensation et le programme d’atténuation de la crise climatique (mitigation). Mais le fait que les États n’aient pas pu se mettre d’accord sur une sortie des énergies fossiles montre bien la très forte influence de ce lobby. Le fait qu’aucun plan concret n’ait été adopté pour combler le déficit de financement confirme aussi que le changement de mentalité nécessaire n’a pas encore eu lieu. Résultat, l’objectif global de 1,5 °C ne sera pas atteint et la fenêtre pour y parvenir se rétrécit à un rythme effréné.

Les organisations partenaires d’Action de carême présentent des solutions
À Sharm El Sheikh, Action de Carême s’est engagée activement avec des organisations partenaires de Colombie et du Brésil pour une mise en œuvre rapide et socialement équitable des objectifs climatiques de Paris. De plus, les droits humains et les droits des peuples autochtones ont été introduits dans les négociations, tout comme le principe de transparence. Lors d’un événement officiel de la COP27, nous avons montré avec nos partenaires que dans de nombreux pays la transparence n’est pas toujours au rendez-vous. En termes d’énergie, les solutions décentralisées et communautaires apportent une contribution importante à la lutte contre les changements climatiques. Et en même temps, elles renforcent la sécurité alimentaire des populations. Avec nos partenaires, Action de Carême s’engagera également l’année prochaine pour une mise en œuvre rapide et socialement équitable des Accords de Paris, afin de lutter contre la faim dans le monde.

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