La situation, déjà précaire depuis des années, s’est brutalement détériorée ces derniers jours. Des alliances inattendues entre bandes criminelles ont été formées, entraînant la mort de plusieurs policiers et une prise de contrôle significative de Port-au-Prince. Par ailleurs, la libération de quelque 4000 détenus, parmi lesquels des individus très dangereux, provenant de deux prisons, accentue la pression sur une situation déjà explosive. Les gangs exigent maintenant la démission du Premier ministre Henry, actuellement bloqué à l’étranger et sans moyen de retourner dans son pays. Cette crise sécuritaire a entraîné la fermeture des aéroports internationaux de Port-au-Prince et du Cap-Haïtien, ainsi que la mise en place de mesures strictes à la frontière avec la République dominicaine, voisine immédiate d’Haïti.
Ambassades fermées
Le gouvernement haïtien a déclaré l’état d’urgence et instauré un couvre-feu nocturne. Cependant, l’application de ces mesures dans la capitale, Port-au-Prince, s’annonce ardue. La communauté internationale réagit également face à cette crise : la Suisse, tout comme d’autres nations, avait déjà fermé son ambassade l’année dernière, et les autres représentations diplomatiques sont désormais également fermées. Les États-Unis ont recommandé à leurs citoyens de quitter immédiatement le pays, une tâche difficile dans les circonstances actuelles.
Le coordinateur de programme d’Action de Carême, dont nous préservons l’anonymat pour des raisons de sécurité, réside dans la banlieue de Port-au-Prince et effectue son travail depuis son domicile. Malheureusement, toutes les routes menant hors de son quartier sont bloquées, l’empêchant de se déplacer. Heureusement, il dispose d’un stock suffisant d’eau et de provisions à son domicile pour faire face à cette situation, du moins pour le moment.
Surtout active dans les zones rurales, Action de Carême maintient son programme
La majorité des partenaires d’Action de Carême opèrent dans les régions rurales, relativement épargnées par l’activité des gangs jusqu’à présent. Cela permet le maintien des activités de projet, assurant ainsi un approvisionnement en denrées alimentaires locales pour les communautés touchées.
Cependant, l’accès aux services bancaires, tous situés dans les villes, devient encore plus problématique qu’à l’accoutumée. De plus, il est à craindre que certains criminels évadés ne retournent dans leur région d’origine, ce qui pourrait potentiellement déstabiliser les zones rurales. Dans l’ensemble, la situation de l’approvisionnement alimentaire devient de plus en plus précaire. Dans l’un des pays les plus défavorisés de la planète, cette instabilité accroît le risque de voir une augmentation du nombre de personnes confrontées à la faim dans un avenir proche.
Les gangs, nouveaux acteurs politiques
Dans une tentative de comprendre les motivations derrière l’escalade de violence perpétrée par les gangs criminels en Haïti, Benno Steffen, responsable du programme en Haïti chez Action de Carême à Lucerne, partage son point de vue lors d’un entretien avec notre coordinateur. Selon lui, il semblerait que les gangs cherchent à s’affirmer comme des acteurs politiquement légitimes. Cette assertion intervient alors que des forces de police étrangères, agissant sous mandat de l’ONU, sont sur le point d’intervenir pour stabiliser la situation dans l’île des Caraïbes.
« Les gangs cherchent probablement à établir une position de force afin de négocier ultérieurement leur impunité, comme cela s’est déjà vu dans d’autres pays d’Amérique latine », explique Benno Steffen. Cette stratégie vise peut-être à anticiper les négociations à venir avec les forces internationales, renforçant ainsi leur position dans le processus de résolution de la crise haïtienne.
En Haïti, des crises multiples mettent à mal la population. L’alimentation de plus de 3,6 millions de personnes est menacée. Pour en savoir plus sur les projets d’Action de Carême en Haïti, cliquez ici.