Quel lien entre alimentation et droits humains ?
Aujourd'hui, 10 décembre, c'est la Journée des droits humains. Action de Carême, qui s’engage depuis 60 ans pour un monde plus juste, sans faim et sans pauvreté, a fait du droit à l’alimentation un de ses plus grands combats. Une déclaration sur les droits des paysans et paysannes a pour objectif de renforcer ce droit.
Un paradoxe frappant
Reconnu pour la première fois à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies, « le droit à une alimentation adéquate est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec d’autres, a physiquement et économiquement accès à tout moment à une nourriture suffisante ou aux moyens de se la procurer ». La paysannerie familiale et les personnes travaillant dans des zones rurales, qui sont les gardiennes de la sécurité alimentaire mondiale sont aussi, paradoxalement, les principales victimes de la faim et de l’extrême pauvreté. Les politiques agricoles et commerciales de nombreux gouvernements ne font que peu de cas des droits et des besoins des paysannes et des paysans et s’en remettent, pour l’alimentation, aux multinationales de l’agro-industrie.
Une déclaration de l’ONU pour la protection des paysans et paysannes
Au début des années 2000, des organisations paysannes ont donné l’impulsion pour une déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et paysannes, qui a fini par être adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2018. Le cœur de la « Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales » (UNDROP) est centré sur le droit à la terre, aux semences et à la biodiversité, ainsi que sur plusieurs droits collectifs ancrés dans la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit des peuples à déterminer leurs systèmes alimentaires et agricoles et le droit de produire et de consommer une alimentation saine et culturellement appropriée.
Un instrument stratégique
La déclaration a pour but de mieux protéger les agricultrices et agriculteurs, les pêcheurs et pêcheuses, les éleveuses et éleveurs et les autres personnes travaillant dans les zones rurales. Elle reconnaît ces personnes comme des actrices fondamentales pour surmonter les crises. La déclaration constitue un instrument stratégique pour soutenir les propositions et renforcer les luttes des mouvements ruraux. Elle établit également une jurisprudence et une perspective juridique internationale pour guider la législation et les politiques publiques à tous les niveaux institutionnels au profit de ceux qui nourrissent le monde.
Responsabilité des États et mise en œuvre
La déclaration des Nations unies établit, dans chaque article, une série d’obligations et de recommandations pour les États membres. Les articles énoncent non seulement les droits des paysans et des paysannes, mais aussi les mécanismes et les instruments permettant aux États de les garantir. Il incombe désormais aux États membres des Nations unies, aux mouvements sociaux et à la société civile d’adapter et de mettre en œuvre cette déclaration dans différents contextes nationaux. Toutefois, trois ans après l’adoption de la déclaration son application reste encore limitée. Les États devraient s’engager davantage à sa mise en œuvre car, comme nous l’ont aussi montré les effets de la crise sanitaire actuelle, il est primordial de pouvoir compter sur des systèmes alimentaires locaux.
Où en est la Suisse ?
La Suisse, qui non seulement a voté en faveur de l’adoption de la déclaration, mais a joué un rôle central dans les négociations, pourrait être plus active tant au niveau national qu’international. Action de Carême fait partie de la coalition suisse des « Amis de la Déclaration » et a publié, en collaboration avec l’Académie de Genève 2020, une étude qui analyse la politique étrangère de la Suisse sous l’angle de sa cohérence avec l’UNDROP et qui formule une série de recommandations dans les domaines du commerce, des semences et de la coopération internationale. Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée des droits humains, ces recommandations seront discutées et approfondies avec des représentant·e·s de différents offices fédéraux et avec des parlementaires.